5h23, c'est reparti. Je suis maintenant accompagné de Cathy qui nous a rejoint pendant la nuit. J'arrive à repartir pas trop mal, mais je sais que c'est insuffisant pour reprendre de l'avance sur les barrières horaires, donc j'ai pas le droit de ralentir.
8h08 à Ligny en Barrois (Km242.3). Je viens d'apprendre l'abandon de Florian sur arrêt médical. Zut, je suis maintenant 2ème, mais ça ne change rien au problème, il faut passer ces putains de barrières horaires ! Surtout que je ne garde pas un bon souvenir du prochain tronçon, et en plus Cathy doit me laisser, et Philippe doit la raccompagner à Bar le Duc. Il ne reste donc plus que Huguette, Gilbert et JB, pour conduire le camping-car et me ravitailler. Et tout le monde est fatigué, moi le premier. Seule bonne nouvelle, Philippe a pu échanger avec Guy, et il va voir si des marcheurs de l'équipe de Florian peuvent venir m'assister
12h57 à Gondrecourt (Km271.3), je suis toujours sur le fil du rasoir. Un rien pourrait me faire basculer du bon ou du mauvais coté de la barrière horaire. C'est pile ou face. Et faut croire que ce coup-ci, la pièce est tombée du bon coté.
3 marcheurs de l'équipe de Florian arrivent à mes cotés. Et pas n'importe quels marcheurs, 3 immenses champions qui connaissent l'épreuve sur le bout des orteils : Gilles, Alain et Fabien.
Et de suite ils prennent les choses en main, 2 vont rester en permanence à mes cotés, pendant que le 3ème récupère dans le camping-car. Avec un roulement toutes les 20 minutes, où celui qui était dans le camping-car vient me ravitailler et remplace un à mes cotés.
Enorme soulagement aussi pour mon équipe, désormais elle n'a plus qu'à préparer mon ravito et à amener le camping-car à l'arrivée.
Du coup, on en oublierait presque qu'il reste encore 100km (ou 1 dixième de MilKil, ça fait moins mal) jusqu'à Epinal, encore 5 barrières horaires à passer, c'est pas encore gagné !
Enfin, en attendant j'avance, je tire sur les bras comme on me le répète toutes les 30 secondes, et les kilomètres défilent sur cette jolie petite route vallonnée que je découvre, cette partie étant nouvelle par rapport à 2017.
Pointage à Coussey (Km293.9) à 16h38. Je sais qu'il faut que je sois au prochain pointage à Gironcourt à 21h, pour être dans mes temps de 2017, et donc être dans les délais à l'arrivée. Mes accompagnateurs sont d'accord avec moi, et ils savent ce que je dois faire pour y arriver, alors je n'ai plus qu'à suivre leurs consignes. Ça semble tellement simple vu comme ça. Mais j'ai juste oublié un truc, c'est que je suis super fatigué, et là de suite ça devient moins facile.
En plus, la météo, qui nous avait plutôt épargné depuis le 2ème passage à Château Thierry, se dégrade à nouveau. Le vent se lève, le ciel s'assombrit, il se remet à pleuvoir. J'enfile ma veste de pluie. Mais ça ne suffit pas, et la fatigue aidant, en quelques minutes, je me mets à trembler fort, j'ai très froid. Je demande au camping-car de s'arrêter, pour que je puisse me mettre à l'abri le temps d'enfiler un pantalon de pluie. Je vois bien que Gilles n'est pas content que je perde du temps sur cet arrêt, alors je ne traine pas.
Maintenant que je suis bien couvert, ça va mieux, je me réchauffe doucement, mais quand même je doute de + en + dans ma capacité à tenir les délais.
Mais un coup de téléphone va tout changer. Mon assistance m'apporte mon téléphone et me demande d'appeler May. Je galère pour composer le n° avec mes doigts gelés, je râle intérieurement. Mais ça en valait la peine. May m'annonce qu'elle voulait me faire une surprise, elle voulait me rejoindre avec les enfants demain à l'arrivée. Mais pour cela il faut que j'aille jusqu'à l'arrivée, et elle me demande si j'y arriverai. Mon visage s'illumine. Oui bien sur, oui c'est sur, oui c'est une certitude à 200%, je serai à l'arrivée dans les délais. Des larmes coulent, je pleure de joie, je suis tellement heureux !
A partir de maintenant, tout devient plus facile. Je pointe à Gironcourt (Km318.1) à 20h42, c'est 18 minutes d'avance sur le temps que je m'étais fixé. Je ne pense plus qu'à une seule chose maintenant, assurer, gérer la fatigue et arriver correctement à Epinal.
Mirecourt (Km335.6) à 23h37, c'est maintenant 30 minutes de mieux qu'en 2017. Mais comme 2 ans plus tôt, le manque de sommeil se fait vraiment sentir en cette 3ème nuit, et je ne veux prendre vraiment aucun risque. Alors dès le point de contrôle passé, je demande à dormir 5 minutes dans la chaise longue.
Mon assistance veille à ce que je ne dépasse pas le temps de repos autorisé. Les 5 minutes sont écoulées, allez hop je dois repartir ! Mais la pause est bénéfique, et avec mes supers accompagnateurs à mes cotés, je sais que je marche plus vite qu'en 2017.
Dernier pointage à Madonne et Lamerey (Km350.7) à 2h20, cette fois c'est bon, reste 4h40 pour les 19 derniers kms. Mon assistance me relance, au plus vite j'arrive à Epinal, et plus long sera mon temps de repos. Oui mais c'est encore long, je suis vraiment fatigué, et alors que je marche sur cette route bétonnée non déneigée, mes yeux se ferment, je manque de tomber 1 fois, ouf je me réveille, je continue, mais un peu plus loin, je me rendors, je manque de tomber une 2ème fois, je me réveille, et puis encore une 3ème fois, …, stop, je peux pas continuer comme ça, c'est pas possible !
J'arrête le camping-car au milieu de la route, et je dors encore 5 minutes assis sur la chaise.
Allez, cette fois c'est bon, je ne m'arrête plus, Epinal approche et le jour se lève, ça tourne, ça monte et ça descend, je ne me souviens absolument pas être passé ici en 2017, mais peu importe.
Jean Cecillon est venu à ma rencontre et parcourt avec moi les derniers hectomètres.
5h40, je franchis la ligne d'arrivée à Epinal, soit 55h40 pour les 360km entre Château-Thierry et Epinal. Je l'ai fait, j'ai réussi !!